Le Canada et l'Union européenne (l’« UE ») ont signé une entente de principe en vue d’ouvrir les marchés et de réduire ou d’éliminer presque toutes les taxes à l'importation sur l’ensemble des produits, des aliments aux voitures. En vertu de l'Accord économique et commercial global (l’« AECG ») et de l'ALENA, le Canada aura un accès privilégié à plus de la moitié de l'économie mondiale. L'accord prévoit également la création de groupes de travail chargés d’examiner les barrières non tarifaires (par exemple les règlements sur la santé et l'assainissement) qui nuisent au commerce.
Un tel accord économique avec l'UE va fournir aux sociétés pharmaceutiques canadiennes un accès privilégié à un marché de 503 millions de consommateurs. L’AECG est une initiative commerciale ambitieuse dont les visées sont plus larges que ne l’étaient celles de l’Accord de libre-échange nord-américain (qui fait partie de la série d'accords de « première génération ») et s'inscrit dans le cadre d'une nouvelle série d'accords dits de « deuxième génération ». L’AECG, tout comme les accords de première génération, vise d’abord les échanges de biens et de services. Cependant, dans les accords de deuxième génération, l'accent est aussi mis sur l’élimination des barrières non tarifaires telles que les marchés publics, la protection des droits de propriété intellectuelle, la concurrence, la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, le développement durable, l'environnement, l'éducation et l'investissement. En uniformisant les règles du jeu, cet accord permettra aux entreprises de l'UE de rivaliser avec les exportateurs américains sur le marché canadien, tout en bénéficiant d'un traitement préférentiel qui surpasse les dispositions de l'ALENA (par exemple dans les marchés publics et dans certains secteurs de services comme le transport maritime).
En ce qui concerne la protection des droits de propriété intellectuelle, l’AECG fixe des normes qui remplacent celles de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (l’« ADPIC »). Par exemple, le prolongement de la durée de la protection des droits de propriété intellectuelle a grandement contribué à renforcer ces derniers. À cet égard, l'UE et le Canada ont adopté différents niveaux de protection, comme le montre le tableau suivant :
Au Canada, la durée d'un brevet, qui était de dix-sept ans avant 1989, a été portée à vingt ans, ce qui est conforme aux engagements internationaux que le Canada a pris (y compris à l’ADPIC1, qui prévoit un minimum de vingt ans de protection). Toutefois, en pratique, et ce, surtout pour les entreprises de l'industrie pharmaceutique, la durée de vie « commerciale&nsbp;» d’un brevet est réduite en raison de la période des essais cliniques et du délai d’obtention de l'avis de conformité. Ainsi, la durée de vie commerciale du brevet d’un médicament novateur est d'environ dix ans en moyenne, ce qui représente la moitié de la durée de vie totale d’un brevet au Canada. L’approbation d'une demande de brevet peut prendre quatre ans et en moyenne il faut six ans pour terminer les essais cliniques et obtenir un avis de conformité. Il convient de noter que ces délais sont plus longs que dans d’autres pays industrialisés.
En Europe, le régime des brevets se fonde sur la durée de vie « commerciale » réelle du brevet, c’est-à-dire qu’il tient compte des délais d’obtention de l’autorisation de commercialisation d’un produit. Afin de promouvoir la recherche et le développement de médicaments novateurs, l'UE compense le temps perdu à attendre l’autorisation requise pour mettre un produit sur le marché en émettant des « certificats complémentaires de protection », qui peuvent prolonger la durée de vie d'un brevet pour un maximum de cinq ans, si la demande de certificat répond aux critères visés. Le régime canadien ne prévoit aucune possibilité de prolonger la durée de vie des brevets.
En outre, le régime de l'UE protège pendant dix ans les données cliniques recueillies par les sociétés pharmaceutiques novatrices dans la mesure où celles-ci se conforment aux obligations que leur impose l’autorisation de commercialisation. Cette protection englobe les données recueillies par la société au cours de ses essais cliniques. Toutefois, c’est au terme d’une période de huit ans que les données cliniques relatives au médicament original peuvent être utilisées par une société de médicaments génériques pour préparer une demande d’autorisation de commercialisation, qui pourra donc déjà avoir été approuvée au moment où la période de protection de dix ans viendra à échéance. De plus, le fabricant du médicament d'origine peut bénéficier d’une protection supplémentaire d'un an s'il arrive à démontrer que, pendant les huit années où il possédait l'exclusivité commerciale, il a obtenu une autorisation de commercialisation pour une ou plusieurs nouvelles indications thérapeutiques.
Afin d'encourager l'industrie pharmaceutique à mener des recherches sur des médicaments destinés à traiter les maladies rares ou sur des médicaments « orphelins », l'UE a décidé d'accorder aux entreprises innovantes une période d'exclusivité complète de dix ans.
Il est donc clair que le niveau de protection est plus élevé en Europe et que l'accent y est mis sur la protection des résultats de la R&D.
Dans ce contexte, et ce, malgré le fait que les différences que nous venons d’exposer sont autant d’obstacles au commerce pour le Canada, l'industrie canadienne des médicaments génériques pourrait encore tirer avantage de la situation. En effet, le niveau de protection plus bas que l’on observe au Canada favorise l’industrie des médicaments génériques et renforce sa compétitivité sur le marché européen, car il permet aux entreprises de commercialiser leurs produits génériques avant leurs concurrents européens. Cependant, si ce dernier segment de l'industrie pharmaceutique est bien positionné pour tirer avantage de la situation, les sociétés novatrices demeurent désavantagées par le régime canadien, car la durée de la protection plus courte restreint leur exclusivité commerciale au Canada. Étant donné que l'Europe a adopté une plus longue période de protection des droits de propriété intellectuelle, les médicaments génériques fabriqués par une société européenne sont disponibles sur le marché européen à un moment ultérieur par rapport au Canada.
Au cours des négociations, l'UE a formulé trois demandes : (1) que le Canada permette la prolongation de la durée juridique des brevets; (2) qu’il prolonge la durée de la protection des données cliniques à au moins dix ans à compter de l’émission de l'avis de réglementations de conformité et à au moins onze ans si, pendant les huit premières années suivant l’émission de l’avis, la société pharmaceutique novatrice obtient une autorisation pour traiter une ou plusieurs nouvelles indications thérapeutiques et (3) qu’il intègre dans le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) un droit d’appel effectif pour les sociétés pharmaceutiques novatrices afin qu’elles puissent porter en appel une décision d’un tribunal ayant pour effet de permettre la mise en marché d’un médicament générique.
Il sera intéressant de voir si le texte final, quand il sera publié, tiendra compte de ces demandes. Pour satisfaire ces exigences de l’UE, le Canada devra apporter de nombreuses modifications à des lois et règlements en vigueur, notamment le Règlement sur les aliments et drogues, le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) ainsi que la Loi sur les brevets. Il pourrait aussi choisir d’adopter de nouveaux règlements à l'appui de ces modifications.
Pour le secteur pharmaceutique, l’AECG devrait modifier sensiblement le cadre canadien en matière de propriété intellectuelle. Cela a suscité d’importants débats, notamment sur la question de l’équilibre entre la protection accordée aux titulaires de brevets et l'accessibilité (en termes de prix) pour le consommateur.
Les changements menant à une prolongation de la période de commercialisation exclusive permettraient aux sociétés pharmaceutiques novatrices de mieux amortir le coût de la recherche, ce qui les inciteraient à pousser leurs travaux encore plus loin et ainsi favoriserait un plus grand investissement dans la recherche et le développement au Canada. Toutefois, cette hypothèse est réfutée par plusieurs observateurs qui affirment qu’il n'y a pas de lien direct entre le prolongement de la protection de la propriété intellectuelle et l'augmentation des investissements en R&D.
Quoi qu’il en soit, cette prolongation de la durée de la protection de la propriété intellectuelle constituera un défi de taille pour les entreprises de l'industrie des médicaments génériques au Canada. Dans le même ordre d’idées, le délai dans la commercialisation des médicaments génériques se traduira par une hausse du prix des médicaments et augmentera les coûts que doivent assumer les gouvernements provinciaux, car ils devront attendre plus longtemps avant que les consommateurs aient accès aux médicaments génériques.
Notes
1L'Accord de l'OMC sur les ADPIC, négocié au cours du Cycle d'Uruguay, qui s'est tenu de 1986 à 1994, a introduit pour la première fois des règles relatives à la propriété intellectuelle dans le système commercial multilatéral. La section 33 prévoit un minimum de 20 ans de protection pour les brevets.
Les courriels non sollicités et les autres renseignements envoyés à Dentons ne seront pas considérés comme confidentiels, pourraient être communiqués à des tiers ou ne pas obtenir de réponse et ne créent pas de relation avocat client. Si vous n’êtes pas un client de Dentons, vous ne devriez pas nous envoyer de renseignements confidentiels.
Ce contenu est disponible en anglais seulement. S'il vous plaît cliquer sur Continuer ci-dessous pour lire cela en anglais.
Vous quittez maintenant le site Web de Dentons. Vous serez redirigé vers le site Web de $redirectingsite en anglais. Pour continuer, cliquez sur « Continuer ».
Vous quittez maintenant le site Web de Dentons. Vous serez redirigé vers le site Web de Beijing Dacheng Law Offices, LLP. Pour continuer, cliquez sur « Continuer ».