Le présent article a été rédigé en collaboration avec Alessandro Bozzelli, stagiaire en droit.

Deux nouveautés importantes qui ont des répercussions sur la manière dont les émetteurs assujettis canadiens peuvent réunir des capitaux auprès de leurs porteurs de titres existants ont été annoncées aujourd’hui :

1. la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (la « CVMO ») a annoncé l’instauration d’une nouvelle dispense de prospectus dans le cadre des placements effectués auprès de porteurs de titres existants, qui est similaire à celle qui est offerte dans d’autres territoires canadiens;
2. les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACCM ») ont publié pour consultation un projet de modifications importantes du régime régissant les placements de droits.

Contexte

Qu’est—ce qu’un placement de droits?

Un placement de droits est un placement de titres auprès des porteurs de titres existants d’un émetteur qui leur donne le droit d’acheter de nouveaux titres à un prix stipulé. Au Canada, cette activité exige que l’émetteur fournisse un prospectus ou établisse qu’il a droit à une dispense de prospectus.

Pour quelles raisons un émetteur effectuerait—il un placement de droits?

Si un émetteur est dans une situation financière précaire ou n’a pas accès à de nouvelles sources de capitaux, une des seules solutions qui s’offrira à lui sera de réunir des capitaux auprès de porteurs de titres existants. Comme les placements de droits sont souvent utilisés dans des situations difficiles, ils sont parfois considérés comme un financement de dernier recours.

Toutefois, les placements de droits peuvent également être une manière équitable de réunir des capitaux pour les émetteurs qui ne peuvent en réunir autrement. Comme les titres sont offerts au prorata à tous les porteurs de titres, ceux ci ne subissent pas de dilution. En outre, si les droits sont négociables, les porteurs de titres qui ne souhaitent pas les exercer peuvent tout de même tirer parti du placement en les vendant. Le caractère équitable est particulièrement important dans les situations suivantes :

• les capitaux sont réunis à escompte par rapport au cours de négociation en vigueur et dilueraient par ailleurs la participation des porteurs de titres existants;
• un actionnaire important existant est disposé à fournir des capitaux et le conseil souhaite offrir la même possibilité à d’autres porteurs de titres.

Bon nombre de placements de droits comprennent une caractéristique de « soutien » ou d’« engagement de souscription », aux termes de laquelle un épargnant existant ou un nouvel épargnant convient d’acheter les titres qui n’ont pas été pris en livraison par les porteurs de titres existants. Au moyen d’un mécanisme de soutien, un épargnant pourrait être en mesure d’acquérir des titres à un taux d’escompte qui n’aurait pas été par ailleurs permis en vertu des règles boursières.

Quel est le régime existant au Canada à l’égard des placements de droits?

Au Canada, un placement de droits peut être effectué soit aux termes d’un prospectus soit aux termes d’une notice de placement de droits. Dans l’un ou l’autre des cas, le document de placement doit être examiné par les commissions des valeurs mobilières compétentes. Le placement de droits doit être ouvert à la participation des actionnaires existants pendant une période d’au moins 21 jours. La recherche effectuée par les ACVM indique que le délai moyen pour mener un placement de droits à terme est de 85 jours, ce qui a découragé certains émetteurs à en faire.

Quelles modifications ont été apportées?

En Ontario, une nouvelle dispense permettra les placements auprès de porteurs de titres existants. La nouvelle dispense prévoit une limite de placement de 15 000 $ par acquéreur, sauf si des conseils quant à la convenance du placement sont obtenus, et les titres émis doivent être détenus pendant une période de quatre mois

Au même moment, les ACVM ont proposé un nouveau processus simplifié pour les placements de droits plus traditionnels. Une caractéristique importante tant de la nouvelle dispense que de la proposition des ACVM est que les placements peuvent être effectués sans nécessiter l’examen d’un organisme de réglementation des valeurs mobilières, bien que l’approbation d’une bourse continue d’être requise.

PARTIE 1 : Nouvelle dispense pour les porteurs de titres existants devant entrer en vigueur en Ontario le 11 février 2015

La CVMO a annoncé qu’une nouvelle dispense pour les porteurs de titres existants (la « dispense ») serait offerte en Ontario en date du 11 février 2015, sous réserve de l’approbation ministérielle. L’Ontario a désormais rejoint les rangs d’autres territoires canadiens qui ont déjà établi des dispenses correspondantes.

Voici une liste des caractéristiques clés de la dispense :

• La dispense sera offerte aux émetteurs assujettis dont les titres participatifs sont inscrits à la Bourse de Toronto (la « TSX »), à la Bourse de croissance TSX (la « TSXV »), à la Bourse des valeurs canadiennes (la « CNSX ») ou à la Neo Bourse Aequitas (« Aequitas ») (collectivement, les « bourses ») à la date d’effet de l’ordonnance de reconnaissance. Les fonds d’investissement ne pourront pas se prévaloir de la dispense.
• La dispense s’applique uniquement aux émissions de nouveaux titres. Conformément à la dispense, le placement ne peut concerner qu’une catégorie de titres participatifs inscrits à la cote d’une ou de plusieurs des bourses ou des unités composées d’un titre inscrit et d’un bon de souscription d’un tel titre. La dispense vise uniquement les titres participatifs.
• Le placement ne peut entraîner une dilution de plus de 100 %.
• L’émetteur doit permettre à chaque personne qui était un porteur de titres (c’est—à—dire de titres de la même catégorie et de la même série que les titres inscrits placés sous le régime de la dispense) à la date de clôture des registres de souscrire des titres dans le cadre du placement. Aucune exigence ne stipule que les titres doivent être répartis au prorata. Toutefois, la CVMO préconise que l’émetteur et chaque personne inscrite qui participe au placement établissent, maintiennent et mettent en application des politiques qui permettent de répartir équitablement les occasions de placement entre tous les porteurs de titres de l’émetteur.
• Le placement est déclenché par la publication d’un communiqué de presse par l’émetteur. Le communiqué de presse doit indiquer (1) le nombre minimal et maximal de titres devant faire l’objet du placement, (2) le produit brut global minimal et maximal qui sera réuni, (3) l’emploi du produit et (4) la manière dont l’émetteur a l’intention de répartir les titres.
• La date de clôture des registres doit se situer au moins un jour avant la date de publication du communiqué de presse. Chaque acquéreur doit déclarer par écrit à l’émetteur qu’il détenait le type de titres inscrits qu’il acquiert sous le régime de la dispense à la date de clôture des registres et qu’il continue de les détenir.
• Des limites de placement s’appliquent. Un acquéreur peut uniquement acquérir des titres de l’émetteur émis sous le régime de la dispense à un coût d’acquisition de 15 000 $ au cours d’une période de 12 mois donnée, sauf s’il obtient des conseils sur la convenance du placement d’un courtier en placement inscrit.
• L’émetteur n’est pas tenu de fournir un document de placement. Toutefois, tous les documents de placement qui sont fournis doivent être déposés sur SEDAR.
• Aucun droit de retrait ni délai de réflexion n’est accordé.
• Les titres émis sont assujettis à une période de détention « faisant l’objet de restrictions » de quatre mois (sous réserve de certaines autres conditions).
• Les dispositions en matière de responsabilité civile prévue par la loi s’appliqueront aux titres faisant l’objet d’un placement sous le régime de la nouvelle dispense.

La dispense a pour but de permettre aux petites et moyennes entreprises de réunir des capitaux plus facilement. Bien qu’elle ait été conçue de manière à ce qu’on puisse s’en prévaloir aisément, l’intérêt de l’épargnant et le montant des capitaux qui peuvent être réunis peuvent être restreints par la limite de placement de 15 000 $ qui s’applique, sauf si des conseils quant à la convenance du placement ont été obtenus d’un courtier en placement inscrit, ainsi que par la période de détention requise de quatre mois.

PARTIE 2: Nouvelle proposition pour les placements de droits

En quoi consiste la proposition des ACVM?

Les ACVM ont proposé une nouvelle dispense de prospectus simplifiée pour les placements de droits effectués par les émetteurs assujettis (la « proposition des ACVM »), dont voici la liste des caractéristiques clés :

• Les émetteurs aviseront les porteurs de titres du placement de droits en leur envoyant un court avis (une ou deux pages) et en déposant l’avis en question sur SEDAR.
• Les émetteurs seront toujours tenus de rédiger une notice de placement de droits qui sera déposée sur SEDAR. Toutefois, la notice sera plus courte et plus simple et n’aura pas à être postée aux porteurs de titres.
• Le modèle de notice a été simplifié. La majeure partie des renseignements seront fournis sous forme de questions et de réponses. La notice comportera des renseignements axés sur le placement de droits, l’emploi du produit et la situation financière de l’émetteur. Il ne sera pas nécessaire de présenter des renseignements sur les activités de l’émetteur. Par conséquent, les exigences relatives au rapport technique ne s’appliqueront pas, sauf si l’émetteur choisit d’inclure des renseignements techniques dans sa notice.
• Les organismes de réglementation des valeurs mobilières n’examineront pas l’avis ni la notice.
• Un privilège de souscription de base doit être accordé au prorata à chaque porteur de titres de la catégorie faisant l’objet du placement au moment de l’exercice des droits. La même chose est prévue dans le régime existant. Si des porteurs de titres sont au Québec, ce qui sera presque toujours le cas, l’avis et la circulaire devront être traduits en français.
• Des mécanismes de soutien et des engagements de souscription seront permis.
• Des privilèges de souscription supplémentaires, s’il en est, doivent être accordés à tous les porteurs de droits. Un privilège de souscription supplémentaire doit également être accordé si un épargnant fournit du soutien ou prend un engagement de souscription. La proposition des ACVM contient une formule établissant la manière dont le privilège de souscription supplémentaire doit s’appliquer aux porteurs de droits.
• La période d’exercice minimale continuera d’être de 21 jours.
• Le prix de souscription des titres pouvant être émis au moment de l’exercice des droits doit être inférieur au cours du marché au moment du dépôt de l’avis, ce qui est conforme aux exigences de la TSX, étant donné que celle—ci s’attend à ce que le prix d’émission dans le cadre du placement de droits soit nettement inférieur (au moins 15 %) au cours du marché. L’escompte a pour but d’encourager les porteurs de titres minoritaires à participer au placement.
• En règle générale, les titres émis ne sont pas assujettis à une période de détention ni à des restrictions en matière de revente, ce qui est conforme aux dispositions du régime actuel. Des règles particulières s’appliquent aux titres émis aux épargnants qui fournissent du soutien ou qui prennent un engagement de souscription. Si l’épargnant qui a pris un engagement de souscription est un porteur de titres existant, en règle générale, aucune restriction en matière de revente ni période de détention ne s’appliquera, bien que les ACVM aient indiqué qu’elles examinaient la question de savoir si une période de détention de quatre mois serait appropriée. Si l’épargnant qui a pris un engagement de souscription n’est pas un porteur de titres existant ou acquiert les titres à des fins de revente, une période de restriction de quatre mois s’appliquera.
• La négociation des droits est permise, conformément aux dispositions du régime actuel, ce qui cadre avec les règles de la TSX, qui exigent que les droits soient transférables. La TSX inscrit actuellement les droits automatiquement s’ils permettent aux porteurs d’acquérir une catégorie de titres inscrite.
• Les dispositions en matière de responsabilité civile prévues par la loi s’appliquent à l’acquisition de titres dans le cadre d’un placement de droits.

Quelles sont les restrictions prévues dans la nouvelle proportion des ACVM?

Dans le cadre du régime actuel, un placement de droits ne peut pas entraîner une dilution de plus de 25 % s’il est effectué au moyen d’une notice de placement de droits; un placement peut avoir un effet de dilution plus marqué, mais, le cas échéant, un prospectus de placement de droits doit être émis. Selon la nouvelle proposition des ACVM, le nouveau processus simplifié s’appliquera aux placements qui entraînent une dilution pouvant aller jusqu’à 100 % (mesurée sur les 12 derniers mois). Un prospectus sera toujours requis pour les placements qui entraînent une dilution de plus de 100 %.

Si la nouvelle proposition des ACVM est approuvée, comment les ACVM vérifieront elles si on s’y conforme?

Les ACVM proposent d’effectuer des examens postérieurs aux placements pendant une période de deux ans après l’adoption de la nouvelle dispense, ce qui peut inquiéter certains émetteurs qui craignent que des problèmes soient soulevés une fois qu’il est trop tard pour les régler ou qui ne souhaitent pas être les cas types soumis à une vérification de la conformité au nouveau régime.

Quelles sont les prochaines étapes relatives à la nouvelle proposition des ACVM?

La période de consultation prend fin le 20 février 2015.