Le 1er février 2018, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l’affaire CNESST c. Caron. Cet arrêt vient confirmer le devoir des employeurs quant à l’accommodement à offrir à leurs employés victimes d’accidents ou de maladies professionnelles. Dorénavant, les entreprises devront prendre toutes les actions possibles pour réintégrer leurs travailleurs dans des postes adaptés à leur état post-lésionnel, dans la mesure où les accommodements appropriés ne constituent pas des contraintes excessives. À défaut, ils seront considérés exercer de la discrimination dans le cadre de l’emploi en raison d’un handicap, violant ainsi une de leurs obligations centrales conférées par la Charte des droits et libertés de la personne (la « Charte québécoise »).
En 2004, le travailleur Alain Caron est victime d’une lésion professionnelle. En 2009, la Commission des lésions professionnelles (la « CLP » – maintenant le Tribunal administratif du Travail, division de la santé et de la sécurité du travail, le « TAT »), déclare qu’Alain Caron est incapable de réintégrer son poste prélésionnel.
En 2010, l’employeur indique à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la « CSST » – maintenant la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, la « CNESST ») qu’aucun autre emploi convenable, tel qu’entendu par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la « LATMP »), n’est disponible pour monsieur Caron. La CSST conclut qu’elle poursuivra le processus de réadaptation professionnelle de monsieur Caron et tentera de lui trouver un emploi convenable auprès d’autres employeurs.
Monsieur Caron conteste cette décision, alléguant que son employeur actuel a omis de procéder à divers accommodements raisonnables qui lui auraient permis d’intégrer deux emplois convenables. Ce faisant, il prétend que son employeur viole son obligation d’accommoder ses employés ayant un handicap, sous réserve de contraintes excessives. En révision interne, la CSST confirme sa décision initiale et l’employeur met officiellement fin à l’emploi de monsieur Caron.
Reprenant la même argumentation, monsieur Caron conteste son congédiement par l’entremise de deux griefs et par une contestation de la seconde décision de la CSST à la CLP.
En 2012, la CLP confirme la décision de la CSST. Elle conclut que les protections prévues par la LATMP constituent en soi un régime d’accommodement et que l’employeur n’est conséquemment pas tenu de respecter l’obligation d’accommodement prescrite par la Charte québécoise.
Cette décision de la CLP est renversée en 2014 par la Cour supérieure. En 2015, la Cour d’appel confirme la décision rendue par la Cour supérieure en contrôle judiciaire, statuant que le devoir d’accommodement de la Charte québécoise s’applique aux travailleurs invalides en raison d’une lésion professionnelle et que la LATMP doit être appliquée en ce sens.
Le 1er février 2018, la Cour suprême du Canada rejette le pourvoi de la CNESST, confirmant ainsi le jugement de la Cour d’appel.
Tout d’abord, la Cour suprême, sous la plume de l’honorable juge Abella, rappelle que le régime d’indemnisation de la LATMP est complet. En conséquence, les travailleurs victimes d’une lésion professionnelle n’ont que ce cadre pour obtenir une compensation aux conséquences pécuniaires, personnelles et physiques de leur lésion et assurer leur protection contre la discrimination au travail. Or, la LATMP n’impose pas expressément l’obligation d’accommoder un travailleur accidenté du travail.
La Cour suprême doit donc décider si l’obligation de l’employeur prescrite par la Charte québécoise de prendre des mesures d’accommodements raisonnables en faveur d’un employé ayant une invalidité s’applique aux travailleurs victimes d’une lésion professionnelle. En d’autres mots, le plus haut tribunal du pays doit statuer si le régime d’indemnisation de la LATMP a à être interprété comme comprenant une obligation d’accommodement qui s’accorderait avec celle de la Charte québécoise.
Après analyse de la jurisprudence québécoise, la Cour suprême conclut que toutes les lois du Québec doivent être interprétées conformément à la Charte québécoise. Elle ajoute qu’il est illogique de priver un travailleur devenu invalide suite à une lésion professionnelle des protections applicables à l’ensemble des personnes invalides, dont le droit à des accommodements raisonnables dans le cadre de l’emploi.
La Cour suprême spécifie qu’interpréter la LATMP en conformité avec les principes d’accommodement exigés par la Charte québécoise est compatible avec les objectifs du régime qui visent à favoriser le retour au travail du travailleur invalide. En effet, les droits de réintégration ou d’accès à un emploi équivalent ou convenable permettent à l’employé apte à travailler de le faire et le fait que le régime de la LATMP prévoit ce type de mesures n’entraine pas l’inapplication du devoir d’accommodement plus vaste que prescrit la Charte québécoise.
La Cour suprême annule donc la décision de la CLP et renvoie l’affaire au TAT pour que l’employeur, dans la recherche d’un emploi convenable, prenne en considération tous les accommodements raisonnables possibles tel qu’entendu par la Charte québécoise.
Suite à cette décision de la Cour suprême du Canada, les employeurs devront documenter très rigoureusement leur processus de recherche d’accommodement avant de conclure qu’aucun emploi convenable au sein de l’entreprise ne peut être offert au travailleur victime d’une lésion professionnelle. À défaut de ce faire, ils seront en contravention avec l’obligation d’accommodement qui leur incombe en vertu de la Charte québécoise en sus du régime prescrit par la LATMP et pourraient être forcés de réintégrer un employé invalide dans un emploi si la CNESST ou le TAT concluait qu’un emploi convenable avec certains accommodements est disponible au sein de l’entreprise.
Si vous souhaitez discuter plus amplement du devoir d’accommodement incombant à l’employeur ou de toute autre question, n’hésitez pas à communiquer avec un membre de l’équipe montréalaise de droit du travail de Dentons.
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