La pandémie de COVID-19 a modifié considérablement la façon dont les entreprises doivent désormais exercer leurs activités au Québec et les a plongées dans une nouvelle réalité. Les administrateurs de sociétés publiques doivent trouver le juste équilibre entre deux impératifs, c’est-à-dire veiller à la gestion de l’entreprise conformément aux consignes gouvernementales relatives à la COVID-19 et permettre à la direction de bien diriger celle-ci, en cette ère d’incertitude. Bien que la façon dont les conseils d’administration devraient s’y prendre pour relever les nombreux défis découlant de la pandémie de COVID-19 ait fait couler beaucoup d’encre, l’arrivée des vaccins change la donne et les administrateurs devraient maintenant réfléchir à la façon dont les campagnes de vaccination peuvent être présentées et mises en place sur le lieu de travail de manière à atténuer la responsabilité personnelle qui pourrait leur être attribuée pour ne pas avoir tenu compte de la santé, de la sécurité et des droits individuels de leurs employés.

La présente édition du bulletin « Dentons vous informe » aborde certaines des questions principales sur lesquelles les administrateurs de sociétés publiques québécoises devraient se pencher et présente certaines recommandations à prendre en considération, compte tenu des obligations de loyauté et de bonne foi qui leur incombent envers la société.

Obligations des administrateurs

• Les administrateurs se doivent d’agir dans l’intérêt supérieur de la société. Selon le contexte et les circonstances, ils pourraient devoir, pour remplir cette obligation, agir et prendre des décisions qui sont dans l’intérêt des employés de la société.
• En vertu des lois québécoises relatives à la santé et la sécurité au travail, ce sont les sociétés – plutôt que leurs administrateurs, comme le prévoient les lois correspondantes des autres provinces – qui ont l’obligation d’offrir un milieu de travail sécuritaire à leurs employés et de protéger leur santé et leur sécurité. Bien que, concrètement, la responsabilité de veiller à ce que la société remplisse ces obligations relève principalement de la direction, il incombe aux administrateurs de surveiller les mesures prises par la direction à cet égard. Par conséquent, si la société ne se conforme pas aux lois sur la santé et la sécurité, les administrateurs pourraient en être tenus responsables.
• Les administrateurs sont assujettis à une obligation de diligence, ce qui signifie qu’ils doivent agir de manière éclairée et diligente lorsqu’ils prennent des décisions pour le compte de la société. Pour pouvoir invoquer la défense de diligence raisonnable qui les protège contre le risque que leur responsabilité personnelle soit engagée à l’égard des décisions qu’ils ont prises à titre de membres du conseil d’administration, les administrateurs doivent pouvoir démontrer qu’ils ont fait preuve de la prudence raisonnable qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait démontrée, étant donné les autres solutions possibles et les renseignements dont elle disposait à ce moment-là.

Obligations des administrateurs dans le contexte des exigences relatives à la vaccination contre la COVID-19

• Pour remplir l’obligation qui leur incombe de prendre des décisions dans l’intérêt des employés, les conseils d’administration doivent prendre en considération, d’une part, les droits individuels et les libertés personnelles des employés et, d’autre part, les droits collectifs et le bien-être de l’ensemble des employés, et trouver le juste équilibre entre les deux. S’ils ne tiennent pas compte comme il se doit de ces droits individuels et collectifs, qui sont susceptibles d’être contradictoires, ils pourraient faire l’objet de réclamations alléguant la violation de l’obligation de loyauté et de bonne foi qui leur incombe envers la société et ses employés.
• L’obligation de diligence n’exige pas que le conseil d’administration prenne la meilleure décision, mais plutôt la meilleure décision possible sur la foi des renseignements dont il dispose, ce qui signifie que les administrateurs doivent agir de manière prudente et responsable, recueillir et analyser les renseignements disponibles et prendre au bout du compte une décision qui est raisonnable dans les circonstances. Les conseils d’administration ne peuvent pas travailler en vase clos; ils doivent se tenir au fait de l’ensemble des règles et des règlements gouvernementaux qui se rapportent à la pandémie de COVID-19, y compris en ce qui concerne les politiques de vaccination. Si les administrateurs ne se conforment pas à cette exigence, ils pourraient être tenus responsables de la violation de l’obligation de diligence qui leur incombe.
• La Loi sur la santé et la sécurité du travail du Québec prévoit que, lorsqu’une société a commis une infraction en n’ayant pas assuré de façon adéquate la sécurité de ses employés (c.-à-d. qu’elle n’a pas mis en place des mesures adéquates pour réduire le risque de propagation de la COVID-19 sur le lieu de travail), il se peut, dans certaines circonstances, que ses administrateurs soient réputés avoir participé à l’infraction et soient ainsi passibles des mêmes peines que la société.

Recommandations à l’intention des administrateurs afin d’atténuer le risque que leur responsabilité personnelle soit engagée

• Étant donné l’évolution rapide de la pandémie de COVID-19, y compris des connaissances scientifiques relatives à la maladie et à l’efficacité des vaccins contre les variantes de la COVID-19, les administrateurs doivent suivre la situation afin d’être en mesure d’évaluer si les politiques de la société sont adéquates. Notre groupe de droit des sociétés a rédigé une série de recommandations que les conseils d’administration devraient considérer pendant la pandémie de COVID-19, que l’on peut consulter ici (en anglais seulement).
• Les administrateurs doivent mettre en œuvre des mesures de surveillance appropriées afin de s’assurer que les politiques adoptées et appliquées par les dirigeants de la société sont et restent conformes aux lois pertinentes (y compris les lois qui régissent la santé et la sécurité au travail, les droits de la personne et la protection des renseignements personnels) et tiennent compte tant de l’évolution de la situation sanitaire que des facteurs de risque propres à la société.
• Faire preuve de diligence raisonnable signifie que les sociétés et leurs administrateurs ne peuvent pas s’en remettre à la bonne foi et à l’expérience des membres de la direction ou des autres administrateurs. Les administrateurs doivent être proactifs dans l’exercice de leurs fonctions et surveiller constamment les politiques et les moyens mis en place par la société afin d’assurer la sécurité des employés. Ils ne pourront pas invoquer la défense de diligence raisonnable s’ils s’en sont remis passivement aux compétences d’un autre administrateur ou d’un expert externe.
• Les administrateurs doivent tenir compte des consignes gouvernementales relatives aux vaccins et à la preuve de vaccination dans les milieux de travail. Notre groupe de droit du travail a rédigé un bulletin détaillé au sujet des points principaux que les employeurs devraient considérer relativement à la vaccination au Québec, que l’on peut consulter ici.
• Bien que, en règle générale, les conseils d’administration souscrivent une assurance responsabilité civile des administrateurs et des dirigeants, les administrateurs doivent s’assurer que cette assurance les protège adéquatement contre la responsabilité personnelle qui pourrait leur être attribuée en raison de la pandémie de COVID-19. Notre groupe de droit des assurances peut vous aider à examiner votre assurance des administrateurs et des dirigeants actuelle.

Conclusion

Comme le groupe du droit du travail l’avait indiqué dans un bulletin antérieur, la question de savoir si une société peut ou doit adopter une politique de vaccination obligatoire dépend d’un certain nombre de facteurs juridiques et factuels; il n’existe aucune solution universellement valable. Dans ces circonstances, il est encore plus important que les administrateurs de sociétés publiques disposent de renseignements pertinents qui leur permettront de prendre les meilleures décisions pour leur société et d’atténuer ainsi les risques auxquels celle-ci ainsi que ses administrateurs sont exposés en choisissant d’adopter, ou de ne pas adopter, une politique de vaccination obligatoire.

Comme chaque situation est unique, nous vous invitons à communiquer avec nous; nous possédons l’expérience et les compétences nécessaires pour vous aider, et pour aider votre conseil d’administration, à composer avec les défis sans précédent qui se présentent en cette ère d’incertitude.

Les auteurs tiennent à remercier Samantha Spector, stagiaire en droit, pour son aide dans le cadre de la rédaction de cet article.