Depuis son investiture le 20 janvier 2025, le président des États-Unis, Donald Trump, a imposé une série de droits de douane touchant la quasi-totalité des partenaires commerciaux des États-Unis, y compris le Canada. Dès le début du mois de mars 2025, des tarifs de 25 % ont été imposés sur plusieurs exportations canadiennes stratégiques, notamment la potasse, l'acier et l'aluminium.
En réaction, le gouvernement du Canada a mis en place des mesures de rétorsion, imposant à son tour des droits de douane sur des produits américains importés représentant près de 30 milliards $ CA. Pour consulter la liste des produits en provenance des États-Unis assujettis à des droits de douane, cliquez ici.
Cette montée des tensions entre deux alliés économiques de longue date entraîne des répercussions considérables sur de nombreux secteurs, notamment celui de la construction, tant aux États-Unis qu’au Canada. En 2024, l’industrie canadienne de la construction a généré environ 151 milliards $ CA en valeur économique, représentant près de 7,4 % du PIB national1. Le secteur de la construction emploie environ 1,6 million de personnes au Canada2. Il ne fait aucun doute que les retombées de la guerre commerciale en cours affecteront l’ensemble de cette industrie, qu’il s’agisse de la construction résidentielle, commerciale ou industrielle.
Plusieurs produits visés par les mesures tarifaires de rétorsion imposées par le gouvernement du Canada sont couramment utilisés dans le secteur de la construction. Parmi ceux-ci figurent notamment les palplanches en fer ou en acier3, les éléments de voies ferrées4, les accessoires de tuyauterie (raccords, coudes, manchons, par exemple)5, divers éléments de construction en acier tels que poutres, colonnes et cadres préparés en vue de leur utilisation dans la construction de bâtiments ou de ponts6, les tubes et tuyaux en aluminium7, certains ouvrages moulés en fonte, fer ou acier8, ainsi que la quincaillerie pour portes et armoires et les fixations de fenêtres9. En outre, les constructions préfabriquées, les portes, les fenêtres et leurs cadres10 sont également soumis aux droits de douane de 25 %, de même que les cadres et les supports en aluminium11. Tous ces éléments auront une incidence importante sur l'industrie de la construction modulaire.
L’incertitude économique croissante entourant l’importation de ces biens essentiels risque de compromettre la viabilité de nombreux projets de construction. L'augmentation du coût des composants clés entraînera vraisemblablement une hausse des prix, affectant la faisabilité financière de nombreux projets. De plus, cette inflation des coûts pourrait grandement perturber les chaînes d’approvisionnement et occasionner des retards dans la réalisation des travaux.
Les acteurs du secteur devront également se pencher sur les mécanismes contractuels permettant de gérer les conséquences des tarifs douaniers. Cela inclut la répartition des coûts supplémentaires dans les contrats existants, ainsi que l’intégration de clauses spécifiques dans les ententes en cours de négociation, afin d’atténuer les risques liés à cette incertitude commerciale croissante.
Il est peu probable que les clauses de force majeure ou que le principe d’impossibilité d’exécution (frustration)permettent aux parties de se dégager de leurs obligations contractuelles dans le contexte actuel (les entreprises ne pourront vraisemblablement pas invoquer ces dispositions pour justifier une augmentation du prix du contrat afin de compenser les hausses de coûts, les retards dans la chaîne d'approvisionnement ou la nécessité de s’approvisionner autrement en produits non visés par les droits de douane). Cette situation n’est pas sans précédent. En 2017 et 2018, au cours de la première administration Trump, des mesures tarifaires similaires avaient été imposées alors que le Canada, les États-Unis et le Mexique renégociaient l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA). Le Canada avait répliqué avec des contre-mesures tarifaires de portée équivalente. Durant sa campagne électorale pour un second mandat, le président Trump avait annoncé clairement son intention de recourir de nouveau aux droits de douane contre des produits clés d’origine canadienne. En ce sens, l’imposition actuelle de tarifs ne devrait pas constituer une grande surprise — même si l’ampleur de l’incertitude économique dépasse sans doute ce qui avait été anticipé. La question qui se pose désormais est de savoir si les contrats de construction en vigueur prévoient des mécanismes permettant de transférer aux maîtres d’ouvrage les augmentations de coûts découlant de l’imposition de droits de douane. Certains modèles de contrats largement utilisés dans le secteur contiennent effectivement de telles dispositions.
Les contrats normalisés CCDC 2 – 2020 et CCDC 5B – 2010, tous deux couramment utilisés au Canada, comportent des clauses générales qui peuvent faciliter l’ajustement des montants au contrat en cas d’augmentation des coûts liée aux tarifs. Toutefois, le libellé de ces mécanismes varie selon le type de contrat. Par exemple, le Contrat à forfait (CCDC 2 – 2020) et le Contrat de gérance de construction – pour services et construction (CCDC 5B – 2010), dont des extraits sont présentés ci-dessous, traitent cette question de manière distincte.
À titre d’exemple, l’article CST 10.1 du Contrat de gérance de construction – pour services et construction (CCDC 5B – 2010), stipule actuellement que :
CST 10.1 TAXES ET DROITS
10.1.1 Le gérant de construction doit payer tous les droits et les taxes en vigueur pendant l'exécution des travaux. Le montant encouru est inclus dans le coût des travaux conformément au paragraphe 7.1.14 de la convention A-7 – Coût des travaux. [Traduction libre]
L’article CST 10.1 du Contrat à forfait (CCDC 2 – 2020) stipule quant à lui que :
10.1.1 Le prix du contrat doit comprendre toutes les taxes et droits de douane en vigueur à la clôture de l’appel d’offres, à l’exception des taxes à la valeur ajoutée que le maître de l’ouvrage doit payer à l’entrepreneur, conformément à l’article A-4 de la convention, Prix du contrat. [Traduction libre]
10.1.2 Toute augmentation ou diminution des frais de l’entrepreneur attribuable aux taxes ou droits compris dans le prix du contrat et survenant après la clôture de l’appel d’offres doit entraîner une augmentation ou une diminution correspondante du prix du contrat. [Traduction libre]
Les droits sont des taxes imposées sur les marchandises importées12, incluant notamment les tarifs douaniers. Pour les parties actuellement engagées dans la négociation de contrats de construction, il est essentiel d’examiner attentivement les clauses contractuelles pertinentes et d’évaluer s’il convient de les adapter au contexte économique actuel. À défaut de dispositions précises encadrant l’impact des droits de douane, il peut être utile de rechercher d’autres mécanismes contractuels permettant de transférer les augmentations de coûts à l’autre partie.
Dans le cas de contrats à prix fixe sur mesure, l’absence d’une clause spécifique à cet égard peut fortement limiter la capacité de l’entrepreneur à répercuter les hausses de coûts induites par les droits de douane. Les parties peuvent donc envisager d’intégrer une disposition contractuelle permettant un ajustement dans de telles circonstances. Par exemple, une clause pourrait prévoir ce qui suit :
Compte tenu du contexte économique actuel, de nombreuses parties contractantes envisagent également d’inclure une clause d’indexation sur les matériaux essentiels tels que l’acier, l’aluminium et le bois d’œuvre. L’acceptation de telles clauses dépendra, entre autres, de la position de négociation de chaque partie et de la nature du projet.
Les conflits tarifaires de 2018 entre le Canada et les États-Unis ont entraîné d’importantes perturbations de la chaîne d'approvisionnement, en particulier en ce qui concerne la disponibilité et le coût des matériaux stratégiques comme l'acier et l'aluminium. Le contexte actuel laisse présager des effets d’entraînement similaires à travers l’ensemble du secteur de la construction. Outre les hausses de prix directement imputables aux droits de douane, d'autres pressions inflationnistes sont à prévoir en raison des tensions dans la chaîne d’approvisionnement. Les contre-mesures tarifaires canadiennes pourraient provoquer des délais de livraison, voire des interruptions complètes d’approvisionnement, si certains fournisseurs américains choisissent de suspendre leurs exportations vers le Canada. Cette situation engendre des risques particulièrement importants pour les projets réalisés selon des contrats à prix fixe, surtout en l'absence de mécanismes contractuels permettant d’absorber ou de transférer les surcoûts. Dans un climat d’incertitude économique croissante, certains projets risquent d’être reportés, suspendus, voire annulés. Cela dit, les besoins structurels du Canada en matière d’infrastructures demeurent pressants. Plusieurs villes canadiennes doivent faire face à une grave pénurie de logements, notamment de logements abordables, tandis que la modernisation et l’expansion des infrastructures de transport en commun représentent des priorités urgentes à l’échelle nationale. On ignore encore comment le gouvernement entend concilier l’incertitude économique croissante avec la nécessité évidente d’investir dans les infrastructures et le logement.
Si votre entreprise ou votre projet est touché par la hausse des coûts des principaux matériaux de construction en raison du différend tarifaire entre le Canada et les États-Unis, n'hésitez pas à communiquer avec Karen Groulx, Dragana Cerovina (nos deux collègues ne parlent qu’anglais) ou avec un membre des groupes Construction ou Infrastructure et PPP de Dentons, qui peuvent vous aider à traverser cette période d'incertitude.
Visitez notre centre de ressources Transformer le changement en possibilité | composer avec un environnement commercial en constante évolution pour obtenir des ressources supplémentaires et des mises à jour sur l'évolution du paysage politique, commercial et juridique entre le Canada et les États-Unis.
Les auteures tiennent à remercier Melissa Kean pour son aide dans la rédaction de cet article.
Les courriels non sollicités et les autres renseignements envoyés à Dentons ne seront pas considérés comme confidentiels, pourraient être communiqués à des tiers ou ne pas obtenir de réponse et ne créent pas de relation avocat client. Si vous n’êtes pas un client de Dentons, vous ne devriez pas nous envoyer de renseignements confidentiels.
Ce contenu est disponible en anglais seulement. S'il vous plaît cliquer sur Continuer ci-dessous pour lire cela en anglais.
Vous quittez maintenant le site Web de Dentons. Vous serez redirigé vers le site Web de $redirectingsite en anglais. Pour continuer, cliquez sur « Continuer ».
Vous quittez maintenant le site Web de Dentons. Vous serez redirigé vers le site Web de Beijing Dacheng Law Offices, LLP. Pour continuer, cliquez sur « Continuer ».