Le 13 septembre 2017, la Commission a publié une proposition de règlement établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union européenne (ci-après la « Proposition de règlement»).
Le constat à l’origine de cette Proposition est que l’Union européenne est l’un des régimes les plus ouverts à l’échelle mondiale. Toutefois, cette ouverture ne peut s’exercer sans le moindre contrôle des intérêts stratégiques européens.
Si la Commission admet que les Etats membres peuvent protéger leurs intérêts nationaux, le principe reste que ce contrôle doit être exercé dans le respect des libertés de circulation, en particulier lorsqu’il s’agit d’investissements réalisés par d’autres Etats membres. La Proposition intervient alors que plusieurs Etats membres ont déjà mis en place un mécanisme interne de contrôle des investissements étrangers comme c’est le cas pour la France. Néanmoins, rien n’est prévu au niveau européen.
La Proposition contient deux objectifs principaux qui sont, premièrement, l’établissement d’un cadre d’analyse harmonisé pour les Etats membres souhaitant maintenir, modifier ou adopter un mécanisme de contrôle des investissements directs étrangers dans les actifs nationaux stratégiques et de manière plus marginale, définir un mécanisme de contrôle européen après avis de la Commission pour les investissements directs étrangers dans des projets ou programmes présentant un intérêt pour l’Union.
Si cette initiative peut, à première vue, être source d’inquiétude pour les investisseurs étrangers, les institutions de l’Union européenne se veulent néanmoins rassurantes vis-à-vis de ces derniers : cette proposition n’a aucunement vocation à dissuader les investissements étrangers. La Commission a publié une communication en ce sens dont le titre est évocateur : « Accueillir les investissements directs étrangers tout en protégeant les intérêts essentiels ».
A moins que la Proposition de règlement ne soit substantiellement modifiée par le Parlement européen et le Conseil lors de son adoption, son apport nous semble limité et ne vient pas se substituer aux mécanismes de contrôle nationaux déjà en place dans les Etats membres.
Alors que les investissements étrangers relèvent de la politique commerciale commune et entrent dans la compétence exclusive de l’Union européenne, ces derniers ne sont actuellement contrôlés que par certains Etats membres au niveau national : la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, le Royaume-Uni, l’Autriche, le Danemark, la Finlande, la Pologne, la Lituanie et la Lettonie.
Les mécanismes de contrôle mis en place dans ces différents Etats sont assez protéiformes : ils peuvent ne viser que les investissements en provenance de pays hors Union ou l’ensemble des investissements étrangers, relever d’un régime de contrôle ex post ou d’un régime d’autorisation préalable, être limités à des secteurs stratégiques ou non, être opérés sur la base de critères qualitatifs (par exemple, la prise de contrôle) ou quantitatifs (pourcentage d’actions ou de droits de vote), être limités au seul secteur de la défense ou prendre en compte la sécurité publique et l’ordre public de manière plus générale. En France, le mécanisme de contrôle mis en place est un régime d’autorisation préalable assez sophistiqué qui distingue entre pays de l’Union et hors Union (le contrôle étant allégé lorsqu’il s’agit d’investissements en provenance d’un Etat membre de l’Union européenne), opéré sur la base de critères qualitatifs et quantitatifs et reposant sur une vision large de l’ordre public prenant notamment en compte des impératifs tels que l’intégrité, la sécurité et la continuité d’exploitation des réseaux de transport, de communications électroniques ou encore la protection de la santé publique s’agissant des investissements en provenance d’Etats hors Union.
Les craintes éveillées par la multiplication de certains investissements étrangers dans des actifs stratégiques en Europe (notamment en provenance du Brésil et de Chine) posent aujourd’hui la question de la mise en place d’un cadre européen clair et harmonisé. Néanmoins, les institutions de l’Union ne cessent de rappeler que les investissements étrangers sont les bienvenus en Europe, ces derniers étant facteurs de croissance économique, d’innovation et de création d’emplois.
Sans venir se substituer aux Etat membres dont il est admis qu’ils restent les mieux placés pour apprécier leur situation individuelle et les spécificités nationales, cette Proposition de règlement a vocation à apporter plus de sécurité juridique pour les investisseurs étrangers, plus de transparence dans les mécanismes de contrôle nationaux et à garantir à ces investisseurs l’absence de traitement discriminatoire.
Il est clairement indiqué que le contrôle des investissements directs étrangers n’a aucunement vocation à venir remplacer ou à interférer avec le contrôle des concentrations au niveau aussi bien européen que national, l’objet de ces deux contrôles étant totalement différent. Il vient par ailleurs se superposer à de nombreuses autres réglementations sur des secteurs stratégiques.
Au niveau des Etats membres, cette Proposition de règlement ne devrait pas représenter un changement majeur dans le sens où elle ne leur n’impose aucune obligation de mettre en place un mécanisme de contrôle s’il n’existe pas encore, de limiter les mécanismes existants ni de les aménager. En France, le régime d’autorisation préalable de certains investissements étrangers tel qu’étendu par le décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 devrait donc rester inchangé sur son contenu.
L’article 4 de la Proposition propose une série de facteurs pouvant être pris en compte par les Etats membres dans le périmètre du contrôle mais ces facteurs ne sont qu’indicatifs et peuvent être complétés par les Etats membres en fonction de leurs spécificités. Ces facteurs correspondent aux effets potentiels de l’investissement sur les infrastructures (énergie, transport, communications, stockage de données, infrastructures spatiales ou financières) et les technologies critiques (intelligence artificielle, robotique, semi-conducteurs, technologies à double usage, cyber sécurité, technologies spatiales ou nucléaires), la sécurité de l’approvisionnement en intrants essentiels et le contrôle ou l’accès à des informations sensibles. Pour rappel, le régime français repose sur une vision large des impératifs à protéger quand il s’agit d’investissements en provenance d’Etats hors Union (cf. point 1 ci-dessus). Les Etats membres sont également invités à prendre en considération le fait que l’investisseur étranger est sous le contrôle du gouvernement d’un pays tiers.
Au final, la principale avancée de la Proposition nous semble être la définition d’exigences procédurales minimales permettant d’assurer un certain nombre de garanties dans la mise en œuvre du contrôle et en particulier :
Une des véritables nouveautés de cette Proposition semble être la possibilité pour la Commission d’opérer une forme de contrôle des investissements directs étrangers touchant à des projets ou programmes présentant un intérêt pour l’Union.
Constituent des projets ou programmes présentant un intérêt pour l’Union, ceux pour lesquels les financements de l’Union représentent une part significative (sans que celle-ci ne soit définie) et ceux qui sont couverts par la législation de l’Union. Une liste indicative est fournie en annexe à la Proposition de règlement et vise des projets tels que Galileo, EGNOS et Copernicus en matière de satellites, Horizon 2020 en matière de recherche et d’innovation et les réseaux transeuropéens de transport, d’énergie et de télécommunications.
En ce cas, il est prévu que Commission européenne rende un avis sur l’investissement dans les 25 jours ouvrables maximum suivant la réception des informations qu’elle aura, le cas échéant, demandés à l’Etat membre concerné.
En pratique, la portée de cette nouvelle attribution de la Commission reste toutefois très limitée pour les raisons suivantes :
Dans sa Proposition de règlement, la Commission met à la charge des Etats membres une obligation de lui notifier l’existence de tout mécanisme de contrôle ainsi que de toute modification pouvant y être apportée par un Etat membre. Par ailleurs, l’ensemble des Etats membres devront communiquer à la Commission européenne un rapport annuel sur les investissements directs étrangers et le cas échéant, la mise en œuvre des mécanismes de contrôle.
Enfin, l’article 8 de la Proposition de règlement met en place une procédure d’information ponctuelle des autres Etats membres et de la Commission en cas de contrôle d’un investissement par un Etat et prévoit la possibilité pour ces derniers de présenter des observations s’ils estiment que les intérêts stratégiques d’un ou plusieurs Etats membres sont impactés. Ici encore, l’Etat membre concerné est invité à prendre en compte ces observations sans pour autant être lié par ces dernières.
Ces mécanismes de coopération entre Etats membres devraient permettre à l’avenir une plus grande transparence et une meilleure détection des investissements étrangers dans les actifs stratégiques des Etats membres ainsi qu’une meilleure détection des opérations soumises au contrôle européen des concentrations.
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