Avant la décision du Conseil d’Etat dans une affaire Lupa en 2016 (CE, 8ème-3ème chambres réunies, 6 juillet 2016, Sté Lupa France, n°377904), il était de pratique courante dans l’industrie immobilière de ne pas solliciter de décote pour fiscalité latente sur le prix d’acquisition des parts d’une société de personnes non soumise à l’IS (SCI, SNC) à raison de la plus-value latente afférente à l’immeuble détenu par la société cible.
En effet, il était possible pour l’acquéreur des parts de purger sans coût fiscal significatif cette plus-value latente postérieurement à l’acquisition en procédant à une réévaluation libre de l’immeuble puis à la liquidation ou à la dissolution sans liquidation de la société de personnes, en appliquant le mécanisme issu de la jurisprudence dite « Quémener » (CE, 16 février 2000, SA « Etablissements Quémener », n°133296).
Pour rappel, ce mécanisme consiste lors de la cession (ou de l’annulation) des parts d’une société qui relève du régime des sociétés de personnes à corriger, pour les besoins de la détermination de la plus-value taxable, le prix d’acquisition des parts de la société, à la hausse ou à la baisse, afin d’éliminer les risques de double imposition ou de double déduction liés à la translucidité fiscale de ces sociétés.
En pratique, dans le cadre des opérations de restructuration post-acquisition visées ci-dessus, ce mécanisme conduisait à majorer le prix d’acquisition des parts de la société cible du montant de l’écart de réévaluation afférent à l’immeuble et à constater une moins-value lors de l’annulation des titres consécutive à la dissolution de la société, qui se compensait avec ce même écart de réévaluation, de sorte que l’opération était neutre en matière d’IS.
L’administration fiscale elle-même avait paru valider expressément cette application de la jurisprudence Quémener à l’occasion d’un rescrit visant spécifiquement le cas de la réévaluation d’un immeuble suivie de la confusion de patrimoine (TUP) d’une SCI (RES n° 2007/54 (FE) du 11 décembre 2007 – BOFIP BOI-BIC-PVMV-40-30-20 § 90).
Par sa décision Lupa précitée, le Conseil d’Etat avait pourtant jeté un trouble sur la mise en œuvre de ce mécanisme et sur la viabilité d’une pratique de marché pourtant bien établie.
A l’occasion de cette espèce, dont les circonstances de fait étaient, il est vrai, un peu particulières, le Conseil d’Etat avait en effet estimé que le mécanisme de correction ne pouvait trouver à s’appliquer qu’en cas de double imposition effective au niveau de l’associé de la société de personnes au moment de la cession ou de l’annulation de ses parts.
Saisie à l’occasion d’un nouveau litige portant sur une opération de restructuration similaire, la Cour administrative d’appel de Paris avait par la suite fait une stricte application de cette jurisprudence Lupa CAA Paris, 17 mai 2017, Société Fra SCI, n° 16 PA01892), en refusant une nouvelle fois au contribuable la possibilité de déterminer la plus-value d’annulation des titres d’une SCI en majorant leur prix de revient à concurrence de l'écart de réévaluation constaté, au motif que ce dernier avait déjà été pris en compte dans le prix d'acquisition des titres et que le contribuable ne justifiait donc pas avoir subi une double imposition effective.
A la suite de cet arrêt, le contribuable s’était pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat.
Par une décision rendue le 24 avril 2019 par sa formation de Plénière fiscale (CE plénière, 24 avril 2019, n° 412503, Société Fra SCI), la Haute Juridiction est finalement revenue sur la position exprimée à l’occasion de l’affaire Lupa.
Le Conseil d’Etat considère en effet que l’exclusion tirée de l’absence de double imposition effective n’est pas justifiée au regard de l’objectif de sa décision Quemener, qui est précisément d’assurer la neutralité de l’application de la loi fiscale.
Ce faisant, il réaffirme que les mécanismes de correction issus de la jurisprudence Quémener ont pleinement vocation à s’appliquer à la quote-part de bénéfices revenant à l’associé d’une société de personnes lorsque ces bénéfices résultent d’une réévaluation des actifs sociaux.
On relèvera que l’affaire a été renvoyée par le Conseil d’Etat devant la Cour administrative d’appel de Paris pour être jugée au fond.
Toutefois, au regard de la formation qui a prononcé la décision et du considérant de principe énoncé par la Haute Juridiction, la Cour devrait en toute logique se ranger à l’avis du Conseil d’Etat et il faut espérer que les services de contrôle n’essaient pas à l’avenir de remettre en cause ce type d’opérations sur le terrain de l’abus, soit sur le fondement du dispositif du nouvel article 205 A du CGI applicable en matière d’IS, soit sur celui du « mini-abus de droit » (article L64 A du LPF).
Cette décision nous paraît mettre un terme aux incertitudes qu’avait suscité la jurisprudence Lupa et qui avaient eu pour effet de remettre en cause la fluidité des transactions immobilières effectuées par le biais de cession de parts de sociétés de personnes (SCI, SNC), au point qu’un grand nombre d’acteurs du secteur tendaient ces derniers temps à privilégier une acquisition en direct des actifs immobiliers (asset deal), malgré les coûts supplémentaires que ce type d’opérations est susceptible de générer (droits d’enregistrement, honoraires du notaire).
Il est donc probable qu’un rééquilibrage intervienne dans les prochains mois au profit des opérations sous forme de share deal.
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