A la suite d’une décision préjudicielle de la CJUE1 , le Conseil d’Etat2 juge que l’article L.3123-1 du Code de la commande publique (« CCP »), relatif à certaines exclusions de plein droit des procédures de passation des contrats de concession, est incompatible avec les objectifs de la Directive « Concessions »3 : le texte national ne permet en effet pas au candidat visé de faire valoir ses observations auprès de l’autorité concédante pour échapper à l’exclusion de la procédure.
Les motifs d’exclusion de la procédure de passation d’un contrat de la commande publique sont nombreux, ils permettent à l’acheteur d’écarter d’une procédure les opérateurs ayant commis certaines infractions pénales ou qui ne sont pas en règle avec leurs obligations fiscales ou sociales. Certains motifs permettent une exclusion « de plein droit », d’autres laissent une marge d’appréciation à l’acheteur public, investi ainsi d’un rôle qu’il ne lui est d’ailleurs pas toujours aisé d’endosser. Mais l’opérateur visé par un cas d’exclusion peut-il se défendre ?.
Oui nous dit la CJUE, pour qui la Directive « Concessions » confère bien un véritable droit au profit des opérateurs candidats à l’attribution d’un contrat de concession : celui d’apporter la preuve, quel que soit le cas d’exclusion concerné, de leur fiabilité à l’autorité concédante, malgré l’existence à leur encontre d’un motif justifiant leur exclusion de la procédure de passation4 . Les opérateurs doivent ainsi avoir la possibilité de présenter un dispositif de « mise en conformité », c’est-à-dire l’existence de mesures correctrices, comme le versement d’une indemnité en réparation du préjudice causé, la collaboration active avec les autorités ou la prise de mesures concrètes de nature à prévenir une nouvelle infraction ou faute5 .
La Directive prévoit en outre que les mesures mises en œuvre par le candidat doivent être évaluées par l’autorité concédante en tenant compte de la gravité de l’infraction pénale ou de la faute en cause, ainsi que de ses circonstances particulières. Si les mesures sont jugées insuffisantes, l’autorité concédante doit motiver sa décision d’exclusion et la transmettre à l’opérateur 6.
La Directive est donc très claire : une procédure « contradictoire » doit s’appliquer ; et elle doit s’appliquer à l’égard de tous les motifs d’exclusion, à l’exception bien sûr du cas dans lequel l’opérateur a précisément été exclu, par un jugement définitif, de la participation aux procédures de passation de marchés ou de concessions7 .
Or, en l’état, le Code de la commande publique ne permet pas toujours aux opérateurs de se défendre auprès de l’autorité concédante : notamment, aucune procédure contradictoire n’est prévue pour les exclusions mentionnées à l’article L.3123-1 du CCP qui vise les personnes ayant fait l’objet d’une condamnation définitive pour certaines infractions pénales (corruption, prise illégale d’intérêt, trafic de stupéfiants, actes de terrorisme, escroquerie, faux et usage de faux, etc.). Cette disposition du CCP est donc, nous dit le Conseil d’Etat, incompatible avec les objectifs de la Directive Concessions.
Quelles conséquences pour les procédures en cours ? Le Conseil d’Etat considère que, dans l'attente de l'édiction des dispositions législatives et réglementaires nécessaires au plein respect des exigences de la directive, les autorités concédantes ne pourront exclure un candidat à la procédure de passation des contrats de concession, sur le fondement de l’article L.3123-1 du CCP, qu’après lui avoir permis de présenter ses observations et d’établir qu’il a pris les mesures nécessaires pour corriger ses manquements et, le cas échéant, que sa participation à la procédure n'est pas susceptible de porter atteinte à l'égalité de traitement8. L’opérateur pourra donc présenter un dispositif de « mise en conformité ».
Qu’attendre des dispositions législatives et réglementaires à venir ? Gageons qu’elles ne porteront pas uniquement sur les cas d’exclusion visés par l’article L.3123-1 du CCP – les seuls dont le Conseil d’Etat était saisi. A titre d’exemple, l’article L.3123-3 du CCP, relatif aux exclusions en en cas de liquidation judiciaire, faillite, interdiction de gérer ou redressement judiciaire, semble bien présenter la même incompatibilité avec les textes européens, dès lors qu’il ne prévoit aucune possibilité, pour l’opérateur, de démontrer sa fiabilité à l’autorité concédante. Gageons également que ce droit de réponse des opérateurs sera également prévu pour les procédures de passation des marchés publics : la Directive « Marchés »9 prévoit elle aussi que tout opérateur frappé par un motif d’exclusion, quel qu’il soit, doit pouvoir fournir des preuves de sa fiabilité10, exigence non reprise par le texte national.
Arrêt : CE, 12 octobre 2020, Sté Vert Marine, req. n° 419146
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