La Cour de cassation admet, pour la première fois, la possibilité de conclure une rupture conventionnelle homologuée avec un salarié déclaré inapte par le médecin du travail, même si l’inaptitude résulte d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
Après un accident du travail, une salariée avait été déclarée inapte par le médecin du travail. Les parties ont ensuite signé une convention de rupture, homologuée par l’autorité administrative.
La salariée a ultérieurement réclamé l’annulation de cette convention de rupture au motif que celle-ci avait pour effet de contourner les procédures et garanties légales d’ordre public découlant du régime de l’inaptitude professionnelle. Elle invoquait notamment l’article L. 1226-10 du Code du travail, relatif à l’obligation de recherche d’un reclassement.
La Cour de cassation avait déjà admis qu’une rupture conventionnelle puisse être valablement conclue au cours des périodes de suspension du contrat consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle (Cass. Soc., 30 Septembre 2014, n° 13-16.297 PBR ; solution confirmée : Cass. Soc., 16 décembre 2015, n°13-27.212, PB), ou pendant un congé de maternité (Cass. Soc., 25 mars 2015, n° 14-10.149 PB). Ceci malgré l’existence de dispositions légales protectrices encadrant strictement la rupture du contrat dans ces hypothèses de suspension (articles L. 1226-9 et L. 1225-4 du Code du travail).
S'agissant du salarié de retour dans l'entreprise à la suite d'un accident du travail, la Cour de cassation avait également admis la possibilité de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié déclaré apte avec réserves à la reprise du travail (Cass. Soc. 28 mai 2014, n° 12-28.082 PB).
Dans sa décision du 9 mai 2019, la Cour de cassation tranche l’une des dernières questions restant en débat en matière de recours à la rupture conventionnelle et valide la rupture conventionnelle signée après une déclaration d’inaptitude.
La Cour de cassation a ainsi jugé que « sauf cas de fraude ou de vice du consentement, une convention de rupture peut être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail ».
L’inaptitude professionnelle du salarié (le principe vaudrait aussi pour l’inaptitude non professionnelle) n’exclut donc pas la conclusion d’une rupture conventionnelle dont la seule condition demeure le libre consentement des parties.
La position du juge peut surprendre en ce que la déclaration d’inaptitude emporte un certain nombre d’obligations impératives pour l’employeur (notamment la recherche d’un poste de reclassement et la reprise du versement d’un salaire à défaut de reclassement), et en particulier, celle d’allouer une indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude dont le montant est au moins égal au double de l'indemnité légale de licenciement, en plus du versement d’une indemnité compensatrice pour inexécution du préavis.
C’est en ce sens que la Cour avait par le passé décidé qu’un départ négocié était exclu pour un salarié inapte, celui-ci ayant pour effet d’éluder le régime spécifique lié à l’inaptitude physique (Cass. Soc. 29 juin 1999 , n°96-44.160)
Selon une jurisprudence désormais constante, en cas de vice du consentement ou de non-respect d'une formalité essentielle, la convention de rupture est nulle et la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Naturellement, dans sa décision, la Cour de cassation mentionne les cas de la fraude ou du vice du consentement, qui sont de nature à justifier l’annulation de la rupture conventionnelle.
L’arrêt (précité) rendu en matière d’aptitude avec réserves contenait déjà les prémices de cette solution (Cass. soc., 28 mai 2014, n° 12-28.082 PB). La Haute juridiction avait en effet approuvé une Cour d’appel ayant déclaré valable la convention de rupture du contrat de travail d’un salarié déclaré apte avec réserves à l’issue d’un arrêt pour accident du travail, après avoir constaté que le salarié n’invoquait pas un vice du consentement et qu’il n’existait pas de fraude de l’employeur.
En matière de vice du consentement, un salarié inapte pourrait invoquer la fragilité de son état de santé au moment de la conclusion de la convention en faisant état de séquelles ayant altéré ses capacités.
En matière de fraude, celle-ci pourrait être caractérisée par l’absence d’information par l’employeur de l’obligation de reclassement et de versement d’une indemnité majorée en cas de licenciement pour inaptitude, à condition de démontrer la manœuvre dolosive de l’employeur ayant vicié le consentement du salarié.
En l’espèce, les juges ont écarté le vice du consentement (qui n’était pas allégué par le salarié) et considéré que la preuve de la fraude de l’employeur n’était pas établie, dès lors que le salarié a disposé d’un délai de 15 jours de rétractation avant l’homologation de la convention de rupture et que celle-ci était régulière.
La décision : Cass. soc. 9 mai 2019 n° 17-28.767 FS-PB, T. c/ Sté AFR France
« Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 4 octobre 2017), que Mme K... a été engagée par la société Arbor France, devenue la société AFR France, en qualité d’employée élevage et couvoir ; que victime d’un accident du travail, elle a été déclarée inapte à son poste de travail par deux examens des 1er et 16 avril 2014 ; que les parties au contrat de travail ont signé une convention de rupture le 25 avril 2014 ;
Attendu que la salariée fait grief à l’arrêt de dire que la rupture conventionnelle a été régulièrement homologuée par l’autorité administrative et ne peut être remise en cause et, en conséquence de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, qu’est nulle la rupture conventionnelle du contrat de travail conclue en méconnaissance des obligations spécifiques d’ordre public mises à la charge de l’employeur par les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail au profit du salarié régulièrement déclaré inapte à son emploi à la suite d’un accident du travail ; qu’en jugeant dès lors qu’en l’absence d’invocation d’un vice du consentement et de démonstration d’une fraude de l’employeur, la rupture conventionnelle du contrat de travail était régulière et ne pouvait être remise en cause, quand elle constatait, d’une part, qu’à la suite d’un accident du travail du 4 juillet 2011 Mme N... avait été déclarée définitivement inapte par avis des 1er et 16 avril 2014, d’autre part, que la salariée avait conclu avec l’employeur une rupture conventionnelle du contrat de travail le 25 avril suivant, ce dont il résultait que la rupture du contrat de travail, même d’un commun accord, était nulle pour avoir un objet illicite et contrevenir aux obligations spécifiques d’ordre public mises à la charge de l’employeur par les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail au profit du salarié régulièrement déclaré inapte à son emploi à la suite d’un accident du travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu que la cour d’appel a retenu à bon droit que, sauf cas de fraude ou de vice du consentement, non allégué en l’espèce, une convention de rupture pouvait être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail ; que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches du moyen annexées, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; »
Président : M. Cathala Rapporteur : Mme Valéry, conseiller référendaire Avocat général : M. Liffran Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Jean-Philippe Caston
Les courriers électroniques non sollicités de personnes qui ne sont pas des clients de Dentons ne créent pas de relation avocat-client, peuvent ne pas être protégés par le secret professionnel et peuvent être divulgués à des tiers. Si vous n'êtes pas un client de Dentons, merci de ne pas nous envoyer d'informations confidentielles.
Ce contenu n'est pas disponible dans votre langue. Pour poursuivre en anglais, cliquez sur Continuer.
Vous allez maintenant être redirigé depuis le site Dentons vers le site $redirectingsite en anglais. Pour continuer, veuillez cliquer sur Accepter.
Vous allez maintenant être redirigé depuis le site Dentons vers le site Beijing Dacheng Law Offices, LLP. Pour continuer, veuillez cliquer sur Accepter.