Le 25 janvier 2019, la Commission européenne a publié la décision par laquelle elle inflige à Guess une amende de près de 40 millions d’euros pour des clauses contenues dans ses contrats de distribution sélective considérées comme restrictives de concurrence. Guess a pu toutefois bénéficier d’une réduction de 50% de son amende pour avoir coopéré avec la Commission au-delà de son obligation de le faire.
Pour rappel, en mai 2017, la Commission avait présenté son rapport final relatif à l’enquête sectorielle sur le commerce électronique au terme de laquelle elle avait constaté l’existence de blocages géographiques organisés par les fournisseurs avec leurs distributeurs, empêchant les consommateurs en ligne d’accéder à des biens et services proposés dans un autre Etat membre.
L’enquête initiée en juin 2017 sur les accords de distribution de la société Guess s’inscrit donc dans le sillage de cette enquête sectorielle.
Cette enquête a révélé que plusieurs clauses de ses accords de distribution étaient constitutives de restrictions de concurrence.
La Commission a d’abord relevé les restrictions faites aux grossistes et détaillants agréés de vendre sur internet, tant par l’interdiction qui leur est faite d’utiliser la marque Guess comme mots clés pour de la publicité en ligne, que par la politique de Guess de favoriser son propre site internet en soumettant la vente sur internet à son autorisation préalable, sans qu’elle ne soit fondée sur des critères précis.
En l’espèce, il était en effet impossible pour les distributeurs d’utiliser et d’enchérir sur la marque en tant que mot-clé, notamment via Google Adwords, sauf autorisation préalable de Guess, réduisant ainsi la visibilité des distributeurs sur Internet mais aussi leur pression concurrentielle sur les propres sites en ligne de Guess. Cette pratique, en ce qu’elle réduit la capacité des distributeurs de promouvoir leurs produits et donc de vendre les produits contractuels, a été considérée comme restreignant la concurrence intra-marque.
La Commission a ensuite condamné le cloisonnement des marchés nationaux organisé par le système et les contrats de distribution de Guess. Les ventes au sein du réseau de distribution sélective étaient limitées par le fait que les grossistes, exclusifs pour un ou plusieurs Etats membres, étaient incités à acheter les produits auprès de Guess uniquement et non auprès des autres distributeurs agréés. Par ailleurs, il leur était interdit de promouvoir ou vendre les produits Guess en dehors de leur territoire et n’étaient donc amenés à vendre qu’auprès des détaillants agréés de leur territoire. Par ailleurs, les détaillants agréés n’avaient le droit de vendre qu’aux utilisateurs finals dans leur territoire.
Ces accords ont donc cloisonné les différents marchés européens puisque certains consommateurs étaient limités dans leur possibilité de s’adresser à des détaillants agréés situés au-delà de leurs frontières.
Enfin, la Commission a également relevé des pratiques de prix de revente imposés : Guess contrôlait le respect des prix recommandés communiqués aux distributeurs par un contrôle strict des prix pratiqués. Ces pratiques, mises en œuvre dans l’EEE à l’exception de la France, l’Espagne, le Portugal et l’Italie, avaient pour objectif de conférer une image uniforme aux produits. En tenant compte de la politique de prix de Guess et des restrictions des ventes parallèles, la Commission a constaté une augmentation du prix moyen de 5 à 10% pour les pays d’Europe orientale.
Cette décision est également intéressante puisqu’elle doit se lire à la lumière du Règlement n°2018/302 relatif aux situations de géoblocages injustifiés, entré en vigueur le 3 décembre 2018.
Selon ledit Règlement, un fournisseur ne peut interdire aux détaillants de répondre aux ventes passives dans les situations couvertes par le Règlement, par exemple, pour des motifs liés à la nationalité, le lieu de résidence ou d’établissement du client.
Cette décision vient compléter ce texte puisque désormais, les pratiques de Guess visant à restreindre les ventes passives sont également interdites au regard de ce Règlement.
Dans un arrêt du 23 janvier 2019, la Cour d’appel de Paris confirme à nouveau que le refus d’agrément opposé par la tête d’un réseau de distribution sélective à un candidat à l’agrément ne constitue pas une entente anticoncurrentielle.
Pour rappel, le 29 juin 2016, le Tribunal de commerce de Paris avait débouté la société Palau de sa demande d’enjoindre Mazda de l’agréer, considérant que son refus était un acte unilatéral qui ne relevait pas du droit des ententes. Palau a alors fait appel de cette décision.
Au terme du présent jugement, la Cour d’appel a tout d’abord écarté la qualification de pratique unilatérale, en considérant que l’adhésion des distributeurs au système de distribution sélective de Mazda traduisait l’existence d’un accord de volontés entre le fournisseur et ses distributeurs.
En revanche, la Cour a considéré qu’un refus d’agrément ne constituait pas une restriction de concurrence par objet dès lors que ce refus ne s’inscrivait pas dans une volonté générale du fournisseur d’exclure une forme de distribution, de créer des barrières artificielles à l’entrée du marché ou d’éliminer des distributeurs menant une pratique de prix bas. En l’espèce était en cause un simple refus isolé d’agrément basé sur l’absence de partenariat constructif et une perte de confiance entre les parties.
La Cour a également considéré que le refus d’agrément ne pouvait être considéré comme une restriction par effet que s’il était démontré qu’il était de nature à éliminer ou restreindre la concurrence. Or, en l’espèce, la preuve d’une affectation du marché n’était pas rapportée.
Enfin, la Cour considère qu’il importait peu que les parts de marché du fournisseur étaient en l‘espèce supérieures à 30% pour apprécier la validité du refus d’agrément. Dès lors que le refus d’agrément ne constitue pas une entente illicite au regard de l’article 101§1 car il n’a ni objet ni effet anticoncurrentiel, le règlement d’exemption par catégorie n’a pas lieu à s’appliquer.
Cet arrêt fait écho à la solution similaire qu’elle avait adoptée dans son arrêt du 12 décembre 2018 dans lequel elle avait rejeté sur les mêmes fondements le recours de la société Concurrence contre la société Sony pour un refus d’agrément.
La directive 2019/01, dite ECN+, publiée le 14 janvier 2019, vise à doter les autorités nationales de concurrence (« ANC ») des Etats membres des moyens permettant de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence, notamment par des sanctions dissuasives. La directive veillera en outre à assurer que les ANC disposent des garanties d’indépendance, des ressources et des pouvoirs de coercition nécessaires à l’application du droit de la concurrence.
La transposition de la directive, qui doit se faire dans un délai de deux ans, conduira à quelques adaptations de l’arsenal juridique français.
Le changement sans doute le plus notable pour la France sera la mise en place du principe d’opportunité des poursuites. L’Autorité de la concurrence pourra donc fixer ses priorités et rejeter les plaintes considérées comme non-prioritaires.
On relèvera notamment qu’afin de faire cesser une infraction, les ANC pourront désormais imposer toute mesure corrective de nature structurelle (par exemple une cession d'actif ou de filiale, ou une modification contractuelle) en sus des mesures comportementales. En outre, afin de prévenir un préjudice grave et irréparable à la concurrence, les ANC pourront imposer d’office des mesures conservatoires d’urgence et ce même en l’absence de saisine d’une autre partie.
On notera également l’alignement du plafond de l’amende applicable associations et syndicats sur celui des entreprises (10%), la possibilité en matière d’inspection de locaux professionnels pour l’Autorité de poursuivre l’examen des pièces ou documents saisis dans les entreprises dans ses locaux ou la simplification du régime des visites et saisies.
C’est un signal fort envoyé aux entreprises : la politique de la concurrence est plus que jamais une des priorités de l’Union européenne.
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