Les opérations de fusion et acquisition (F&A) dans le secteur de la défense présentent certaines particularités qui les distinguent des opérations dans d’autres industries. Ce sujet est particulièrement d’actualité dans le contexte géopolitique et économique actuel, marqué notamment par les tendances protectionnistes, les tensions internationales, l’engagement renouvelé du Canada envers l’OTAN et les récentes annonces d’augmentation des dépenses militaires et de modernisation des capacités de défense canadiennes.
Dans ce cadre, les fusions et acquisitions dans le secteur de la défense ne sont pas seulement des opérations commerciales : elles sont devenues des leviers stratégiques pour renforcer la résilience industrielle, sécuriser l’accès aux technologies critiques et répondre aux impératifs de sécurité nationale. Cet article examine les éléments clés à considérer dans une transaction impliquant une cible canadienne, en tenant compte de ces dynamiques.
Un non-Canadien qui se propose de faire l’acquisition du contrôle d’une entreprise canadienne doit déposer soit un avis, soit une demande d’examen en vertu de la Loi sur Investissement Canada. Si la ministre1 a des motifs raisonnables de croire que l’investissement pourrait porter atteinte à la sécurité nationale, l’investissement pourra être bloqué ou autorisé sous certaines conditions. Les facteurs considérés en ce qui concerne la sécurité nationale sont multiples et incluent les effets potentiels de l’investissement sur les capacités et les intérêts en matière de défense, sur le transfert de technologies ou de savoir-faire sensible, la participation à la recherche, la fabrication ou la vente de biens liés à la défense, l’incidence possible de l’investissement sur l’approvisionnement, etc. Ainsi, il est essentiel de prévoir dans la convention d’acquisition la possibilité d’un examen de la transaction et la possibilité que la transaction soit bloquée ou assujettie à des conditions.
De plus, il faut savoir que l’exportation de certains biens et technologies pouvant avoir un usage militaire ou conçus pour un tel usage est soumise, au Canada, à la Loi sur les licences d’exportation et d’importation. Dans certains cas, les sanctions économiques canadiennes et les règles de l’International Traffic in Arms Regulations (ITAR) et les sanctions extraterritoriales américaines peuvent s’appliquer. Un transfert électronique, y compris le fait d’accorder un accès à distance à une technologie, constitue une exportation assujettie à l’exigence d’une licence ou aux autres restrictions à l’exportation.
Même en l’absence d’exportation, l’accès à certains biens doit être restreint à des personnes inscrites en vertu de la Loi sur la production de défense et du programme des marchandises contrôlées.
Il est donc essentiel d’inclure ces aspects dans sa vérification diligente préalable à l’acquisition, tout en étant conscient des contraintes que ces limites peuvent poser, mais aussi de tenir compte des limites que ces lois pourraient représenter pour les opérations et l’intégration de la cible post-acquisition.
Les entreprises de défense canadienne peuvent manipuler des informations classifiées ou être impliquées dans des contrats gouvernementaux confidentiels. Encore une fois, cette situation comporte des risques de non-conformité propres au secteur de la défense, des procédures de vérification diligente restreintes et des facteurs à considérer à l’étape de l’intégration.
La propriété intellectuelle étant souvent cruciale pour les entreprises de la défense, celle-ci doit aussi faire l’objet d’une vérification diligente poussée. Plusieurs contrats prévoient des clauses de cession ou de licence de propriété intellectuelle propres au secteur, notamment pour permettre l’entretien des équipements après la fin du contrat. En cas de collaboration avec des institutions publiques ou des partenaires étrangers, la titularité des droits peut être complexe.
Le secteur canadien de la défense est très intégré à des chaînes d’approvisionnement nord-américaines et même mondiales. Les entreprises peuvent agir à divers niveaux de ces chaînes d’approvisionnement, à titre de fournisseurs de pièces, d’intégrateurs ou de donneurs d’ouvrage, et interagissent avec des gouvernements, clients, fournisseurs et partenaires locaux et internationaux.
Cette intégration crée une interdépendance stratégique, mais aussi une vulnérabilité réglementaire : les entreprises canadiennes doivent souvent se conformer aux normes étrangères (par exemple, l’ITAR aux États-Unis), et tout changement de contrôle peut nécessiter des consentements ou notifications auprès d’instances étrangères.
Ainsi, les clauses d’allocation de responsabilité, les clauses de retombées industrielles et technologiques et l’état d’avancement des projets doivent être revus dans le cadre de la vérification diligente, qui doit s’adapter au contexte et à la complexité des contrats de la cible, qui sont souvent la pierre angulaire de son succès. De plus, l’obtention des consentements requis doit faire partie des conditions à la clôture et les synergies post-acquisition doivent être évaluées en tenant compte de l’intégration transfrontalière, qui peut être un levier de croissance, mais aussi une source de complexité contractuelle et réglementaire non négligeable.
Pendant une certaine période, les fonds publics et institutionnels, et même plusieurs fonds privés, évitaient les investissements dans le secteur de la défense, souvent perçu comme sensible du point de vue des facteurs ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), en raison notamment des risques réputationnels liés aux armes, aux conflits et à la corruption. Cependant, cette perception évolue rapidement sous l’effet de plusieurs facteurs, la défense étant maintenant considérée comme un secteur essentiel à la stabilité et à la souveraineté nationale. Les prêteurs et investisseurs s’adaptent en revoyant leurs politiques d’exclusion, en faisant des distinctions entre les activités de défense et d’armement, en développant des cadres ESG propres au secteur de la défense, en intégrant des critères comme la transparence, la gouvernance, la conformité aux lois anticorruption et le respect des droits de la personne, et en intégrant des mécanismes de diligence adaptés. Ainsi, bien que le secteur demeure sensible, il est de plus en plus considéré comme « investissable », à condition que les entreprises démontrent une gouvernance robuste, une conformité réglementaire rigoureuse et une gestion proactive des enjeux ESG. Cette période de transition et d’adaptation doit être prise en compte dans le processus de clôture, notamment en ce qui concerne les conditions de financement, les représentations et garanties, et les attentes des investisseurs.
Outre les exigences liées à la sécurité nationale, les tensions internationales – qu’elles soient sous forme de conflits armés ou de guerres tarifaires – peuvent avoir un impact direct sur les fusions et acquisitions, en particulier dans le secteur de la défense. En plus d’influencer les décisions d’investissement, les alliances stratégiques et les critères d’approbation, les conflits peuvent perturber les chaînes d’approvisionnement, faire grimper les coûts et créer des incertitudes réglementaires. Le contrat d’acquisition doit donc prévoir les impacts de telles perturbations sur la transaction à venir.
L’intégration des critères ESG dans les transactions devient un impératif pour attirer des capitaux et éviter les sanctions réputationnelles. Le secteur de la défense a souvent été impliqué dans des affaires de corruption. Les lois anticorruption au Canada et dans la plupart des autres pays prévoient des sanctions criminelles et autres sanctions pour les entreprises et individus qui offrent des pots-de-vin à des agents gouvernementaux. Étant donné que l’utilisateur final est généralement un gouvernement, et en raison du grand nombre d’intermédiaires impliqués dans les processus d’achat, le secteur de la défense est particulièrement exposé à la corruption, ce qui doit être pris en compte dans la vérification diligente, les représentations et garanties et les clauses d’indemnisation.
Les particularités du secteur de la défense influencent l’évaluation de la transaction et la vérification diligente, mais aussi la rédaction des documents transactionnels et la dynamique des négociations. Voici quelques clauses généralement incluses dans la convention d’acquisition :
Comme toutes les opérations de fusion et acquisition, celles dans le secteur de la défense doivent être soigneusement planifiées et exécutées. Elles comportent des particularités qui ne peuvent être ignorées. Dans le contexte actuel des hausses annoncées des investissements publics, des pressions géopolitiques et des impératifs d’innovation et de productivité, les fusions et acquisitions constituent un levier de croissance incontournable, mais elles doivent tenir compte des particularités du secteur pour en tirer les pleins bénéfices.
Nos avocats et avocates spécialisés en fusions et acquisition et en conformité réglementaire font équipe pour accompagner des clients de ce secteur névralgique mais sensible dans leurs transactions et leurs projets stratégiques de croissance.
Si vous avez des questions au sujet de ce qui précède, communiquez avec l’auteure de cet article, Dominique Babin, associée à notre bureau de Montréal.
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