Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de l'épidémie de COVID-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter sa propagation, le Gouvernement avait été habilité à prendre par ordonnance, par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, toute mesure « adaptant les règles de passation, de délais de paiement, d'exécution et de résiliation » figurant dans le code de la commande publique et les contrats publics.
Le texte annoncé ne s’est pas fait attendre : l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de COVID-19 a été publiée au JO de ce jour, le 26 mars 2020.
L’ordonnance s’applique à tous les contrats publics, qu’ils soient soumis au code de la commande publique (concessions et marchés publics, y compris les marchés de partenariat) ou non. Ce qui implique donc que des contrats tels que les conventions d’occupation du domaine public, mais aussi les baux emphytéotiques administratifs ou baux emphytéotiques hospitaliers sont également concernés.
En outre, ses dispositions « ne sont mises en œuvre que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences » du COVID-19 : le rapport au Président de la République évoque une « analyse au cas par cas » des difficultés du cocontractant.
Notons que l’idée de qualifier la pandémie de COVID-19 d’évènement de force majeure, comme l’avait initialement annoncé le Gouvernement pour les marchés publics de l’Etat, n’est plus à l’ordre du jour, ce qui n’empêchera évidemment pas de l’invoquer au cas par cas.
Le présent article donne un aperçu des principales dispositions contenues dans l’ordonnance, qui peuvent intéresser aussi bien les opérateurs publics que privés, et emportent des conséquences sur les procédures de passation en cours (1) et les contrats en cours d’exécution (2), avec, s’agissant de ces derniers, des spécificités pour les contrats qui arrivent à expiration (2.2), les marchés (2.3) et les concessions (2.4).
Les délais de réception des candidatures et des offres sont prolongés d’une « durée suffisante » pour permettre aux opérateurs économiques de présenter leur candidature ou leur offre, sauf lorsque les « prestations objet du contrat ne peuvent souffrir aucun retard ».
La décision appartient à l’administration seule, bien sûr sous le contrôle du juge.
En pratique, les opérateurs privés étant dans l’incapacité de s’organiser et de travailler aussi efficacement que d’habitude depuis le début des mesures de confinement, plusieurs acheteurs avaient déjà pris l’initiative de prolonger les délais de leurs procédures en cours, par exemple de 2 semaines voire d’un mois, les textes et la jurisprudence les y autorisant déjà.
Les modalités de la mise en concurrence prévues dans les documents de la consultation peuvent être aménagées, en cours de procédure, dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats.
Cette possibilité ne joue que si les modalités de mise en concurrence initiales ne peuvent pas être respectées par l’autorité contractante. On pense notamment aux aménagements nécessaires à apporter à l’organisation des visites, auditions ou négociations, ou encore au dépôt « physique » de certaines offres.
En cas de difficultés d'exécution du contrat, l’ordonnance prévoit des dispositions spécifiques, qui ont vocation à s’appliquer « nonobstant toute stipulation contraire », sauf bien sûr dans le cas où les stipulations contractuelles se trouveraient être plus favorables au titulaire du contrat.
Lorsque le titulaire ne peut pas respecter le délai d’exécution d'une ou plusieurs obligations du contrat ou que cette exécution en temps et en heure nécessiterait des moyens dont la mobilisation ferait peser une charge « manifestement excessive », ce délai est prolongé jusqu’au 23 juillet 2020, sur demande du titulaire formulée avant l’expiration du délai contractuel.
Reste à déterminer les situations qui pourront bénéficier de cette mesure, alors que l’exécution des contrats administratifs – et notamment des chantiers – est bousculée de jour en jour et nécessite des prises de décisions rapides.
Lorsque le titulaire se trouve dans l’impossibilité d’exécuter tout ou partie d’un bon de commande ou d’un contrat, notamment lorsqu’il démontre qu’il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge « manifestement excessive », l’acheteur ne peut pas lui infliger de pénalités, de sanctions, ou engager sa responsabilité contractuelle.
En contrepartie, dans ce cas, l’acheteur peut conclure un marché de substitution avec un tiers pour satisfaire ceux de ses besoins qui ne peuvent souffrir aucun retard. Cette possibilité s’applique nonobstant toute clause d’exclusivité. Attention, il ne s’agit pas d’une mise en régie : l’exécution du marché de substitution ne peut pas être effectuée aux frais et risques du titulaire initial.
Alors qu’en principe les contrats arrivant à expiration doivent être remis en concurrence et ne peuvent être prolongés que dans des conditions restrictives, l’ordonnance permet de les prolonger par voie d’avenant « lorsque l’organisation d’une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre ».
Cette possibilité n’est offerte qu’aux contrats dont le terme survient entre le 12 mars et le 23 juillet 2020, et la durée de la prolongation ne peut excéder la date du 23 juillet 2020, augmentée « de la durée nécessaire à la remise en concurrence », qui est laissée à l’appréciation des acheteurs publics.
Les acheteurs peuvent, par avenant, modifier les conditions de versement de l’avance.
Son taux peut être porté à un montant supérieur à 60 % du montant du marché ou du bon de commande.
Par ailleurs, les acheteurs ne sont pas tenus d’exiger la constitution d’une garantie à première demande pour les avances supérieures à 30 % du montant du marché.
Le titulaire a droit au remboursement des dépenses engagées directement pour l’exécution d’un marché résilié ou d’un bon de commande annulé en conséquence des mesures prises par les autorités administratives dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
Sur ce point, on peut noter que l’ordonnance ne vise que les marchés.
En cas de suspension d’un marché à prix forfaitaire, l’acheteur procède sans délai au règlement du marché selon les modalités et pour les montants prévus par le contrat.
A l’issue de la suspension, un avenant détermine les modifications du contrat éventuellement nécessaires, sa reprise à l’identique ou sa résiliation ainsi que les sommes dues au titulaire ou, le cas échéant, les sommes dues par ce dernier à l’acheteur.
Lorsque le concédant est conduit à suspendre l’exécution d’une concession, tout versement d’une somme au concédant est suspendu et, si la situation de l’opérateur économique le justifie et à hauteur de ses besoins, une avance sur le versement des sommes dues par le concédant peut lui être versée.
Lorsque, sans que la concession soit suspendue, le concédant est conduit à modifier significativement les modalités d’exécution prévues au contrat, le concessionnaire a droit à une indemnité destinée à compenser le surcoût qui résulte de l’exécution, même partielle, du service ou des travaux, lorsque la poursuite de l’exécution de la concession impose la mise en œuvre de moyens supplémentaires qui n’étaient pas prévus au contrat initial et qui représenteraient une charge manifestement excessive au regard de sa situation financière.
Il s’agit là d’un assouplissement des conditions d’application de la théorie de l’imprévision.
L’ordonnance n’apporte que des innovations limitées, et les solutions qu’elle apporte vont parfois créer des problèmes nouveaux.
Le texte en effet n’ouvre pas de droits automatiques au profit des parties publiques ou privées au contrat.
Tout d’abord, les mesures prévues ne sont mises en œuvre que « dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences » de l’épidémie et des mesures prises pour limiter sa propagation. L’ordonnance ne donne donc pas blanc-seing aux intéressés mais réclamera un examen au cas par cas, ce qui dans le contexte d’urgence actuel, ne facilitera pas la tâche des partenaires publics et privées lors de leurs discussions contractuelles.
Ainsi, si les règles posées par l’ordonnance sont claires, tout est affaire de qualification juridique des faits, c’est-à-dire du point de savoir si les opérateurs se trouvent vraiment dans une situation de fait pouvant justifier l’application de la mesure. Tout sera donc affaire de cas d’espèce, et l’appréciation de l’administration sera évidemment portée sous réserve du contrôle du juge, dont il est encore trop tôt pour se demander s’il sera entier ou limité à l’erreur manifeste. Ainsi en va-t-il par exemple de l’appréciation portée par l’administration sur :
Enfin, il faut souligner que certaines des règles édictées sont de bon sens, ou ne sont que l’illustration de ce que les principes généraux du droit public permettent ou imposent déjà de faire : ainsi, les délais de procédure doivent de toute façon, à peine d’irrégularité de la procédure, permettre aux candidats de présenter utilement leurs candidatures et leurs offres. Et de façon générale, l’invocation des théories de l’imprévision, de la Force Majeure ou du Fait du Prince (points que l’ordonnance se garde bien d’aborder), qu’elles soient ou non prévues par les contrats, auraient suffi à dispenser au cas par cas les titulaires des marchés et concessions de l’exécution de leurs obligations contractuelles.
Néanmoins, les discussions des parties publiques et privées aux contrats publics devront dorénavant s’inscrire dans ce nouveau cadre aménagé des contrats publics, dont on peut douter toutefois qu’il apporte davantage de sécurité juridique, à court terme comme à long terme lorsqu’il faudra panser nos plaies, faire le bilan et reprendre l’exécution « normale » de ces contrats.
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